Aller au contenu
  • Pas encore inscrit ?

    Pourquoi ne pas vous inscrire ? C'est simple, rapide et gratuit.
    Pour en savoir plus, lisez Les avantages de l'inscription... et la Charte de Zébulon.
    De plus, les messages que vous postez en tant qu'invité restent invisibles tant qu'un modérateur ne les a pas validés. Inscrivez-vous, ce sera un gain de temps pour tout le monde, vous, les helpeurs et les modérateurs ! :wink:

Les laissés-pour-compte du cyberespace


Messages recommandés

Bonjour,

 

L'article date un peu mais malheureusement il est encore très d'actualité, nous sommes des privilégiés, alors je crois que cela est une bonne chose d'utiliser nos privilèges à bon escient, et l'esprit de partage que je trouve sur ce site est une chose qu'il faut cultiver, parce que cela est un état d'esprit qui à tendance à se perdre dans un monde où tout se paie de plus en plus, le fric remplace le coeur.

 

Amicalement.

 

 

Le Monde diplomatique

-----------------------------------------------------

 

> août 2003 > Page 10

 

 

 

SOMMET MONDIAL SUR LA SOCIÉTÉ DE LINFORMATION

Les laissés-pour-compte du cyberespace

 

 

La notion de « société de linformation » a acquis un caractère dévidence sans que les citoyens aient pu exercer leur droit à un vrai débat. En témoignent les controverses, notamment au sein des grandes instances internationales, sur la « fracture numérique ». Au point que lAssemblée générale des Nations unies a convoqué un sommet mondial sur la société de linformation qui se tiendra en décembre, à Genève.

 

 

Par Armand Mattelart

Professeur à luniversité Paris-VIII, auteur dHistoire de la société de linformation, La Découverte, coll. « Repères », Paris, nouvelle édition, 2003.

 

 

Dès les années 1970, la notion de « société de linformation » a inspiré les programmes des grands pays industriels. Ceux-ci y voyaient le moyen de sortir dune double crise : celle du modèle de croissance, et celle de la « gouvernabilité des démocraties occidentales » (1). Londe de choc provoquée, en 1984, par le démantèlement aux Etats-Unis de lAmerican Telegraph and Telephone (ATT) donna le coup denvoi au déploiement des réseaux transfrontières et marqua les débuts de la déréglementation et de la privatisation des services publics de télécommunications.

 

En 1998, laccord de lOrganisation mondiale du commerce (OMC) sur louverture des marchés des télécoms à la concurrence favorisa les concentrations imbriquant les opérateurs de tuyaux et les industries de contenu. La fusion dAmerica Online (AOL) avec le géant Time Warner, en janvier 2000, en fut le grand symbole : « AOL everywhere, for everyone » (AOL partout, pour tous) (2).

 

En 1995, réunis à Bruxelles, les sept pays les plus industrialisés (G7) entérinèrent la notion de « société globale de linformation » devant une quarantaine dinvités spéciaux des milieux daffaires et en labsence de représentants de la société civile. Lannée précédente, Washington avait lancé un projet dautoroutes globales de linformation, extrapolation à léchelle planétaire de son programme national (National Information Infrastructure).

 

En juillet 2000, le G8, réuni à Okinawa en présence de responsables des grandes firmes de linformatique, rendit publique une charte de la société globale de linformation. Prenant acte de lexistence dune « fracture numérique », il mit en place le groupe dexperts sur laccès aux nouvelles technologies (Geant). Au sommet du G7 à Bruxelles, en 1995, le thème de la fracture numérique navait même pas été effleuré. Entre-temps, il y avait eu lirruption du mouvement social mondial à loccasion de la conférence de lOMC à Seattle fin 1999...

 

Dès juin 1982, au sommet du G7 à Versailles, alors quil nétait pas encore question dinforoutes, le président Mitterrand avait pourtant, dans un rapport intitulé « Technologie, emploi et croissance », pointé le risque de ségrégation que pouvait entraîner lavancée des nouvelles technologies. Pour contrer ce risque d« un monde dîlots de prospérité dans un océan de misère », le président français avait proposé une charte mondiale de la communication. Elle resta lettre morte.

 

Au sommet du G8 à Gênes, en juillet 2001, le groupe dexperts Geant proposa de soutenir les « e-gouvernements » des pays pauvres « pour renforcer la démocratie et lEtat de droit », favoriser le branchement à Internet, promouvoir des initiatives en matière déducation, encourager les entreprises à investir dans des projets de développement durable, et créer des contenus locaux en exploitant des logiciels libres.

 

Du côté des grandes firmes de lélectronique, Microsoft convoqua de hauts fonctionnaires à un « Government Leaders Summit ». Objectif : convaincre les autorités des pays en développement des bienfaits du numérique. Au sommet Microsoft de mai 2003, le thème central était : « Aidons les gouvernements à réaliser leur potentiel. » Les chantres de la fin de lEtat-nation découvraient ainsi le fabuleux pactole des marchés de l« e-gouvernement » !

 

Les rédacteurs du rapport 2001 du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) affirment, eux, que les réseaux technologiques sont « en voie de transformer la carte du développement » et de « créer les conditions qui permettront de réaliser, en lespace dune décennie, des progrès qui auraient nécessité, dans le passé, plusieurs générations ». Mais on saperçoit quil y a une ligne de téléphone pour deux habitants dans les pays riches contre une pour quinze dans les pays en voie de développement... et une pour deux cents dans les pays les moins avancés. Le tiers de lhumanité ne dispose toujours pas délectricité. Et que dire des indicateurs danalphabétisme...

 

La préparation du sommet mondial de la société de linformation de Genève, qui se tiendra en décembre, avive les affrontements entre différents projets de société. LUnesco a situé la lutte pour l« accès universel au cyberespace », dans le cadre dune « infoéthique » et du respect de la diversité culturelle et linguistique, pour éviter que « la globalisation économique ne soit culturellement appauvrissante, inéquitable et injuste ».

 

Cette philosophie préside à lorganisation du sommet et des réunions qui ont préparé son ordre du jour : les conférences intergouvernementales régionales (Bamako, Bucarest, Tokyo, Saint- Domingue et Beyrouth) et les trois conférences (prepcom) au siège de lUnion internationale des télécommunications (IUT), à Genève.

 

Un bureau de la société civile et des organisations non gouvernementales (ONG) a été créé lors de la seconde prepcom, en février-mars 2003, pour assurer la liaison avec le bureau gouvernemental. Même si cette invitation se prêtait à la récupération, on y trouvait : le milieu universitaire et éducatif ; la communauté scientifique et technologique ; les médias ; les acteurs et créateurs de la culture ; les villes et pouvoirs locaux ; les syndicats ; les parlementaires ; les ONG ; les jeunes ; les groupes définis par le « genre » ; les peuples autochtones ; les personnes handicapées ; les mouvements sociaux ; les institutions philanthropiques ; les think tanks ; les associations de multiacteurs ; les groupes régionaux dAfrique, dAsie, dAmérique latine, des Caraïbes, dEurope et des pays arabes.

 

A la lecture de cette liste, on pense à la nouvelle de Jorge Luis Borges, Le Congrès (3), où don Alejandro Glencoe entreprend de réunir une « assemblée qui représentât tous les hommes », ce qui « revenait à vouloir déterminer le nombre exact des archétypes platoniciens, énigme qui, depuis des siècles, laisse perplexes les penseurs du monde entier ».

 

Cet éparpillement témoigne de la difficulté à agréger les intérêts catégoriels et à cerner les notions de société civile et dONG en vigueur dans les institutions internationales. La question a été soulevée dès la première conférence préparatoire, en juin 2002 : la galaxie du tiers secteur (par rapport aux deux autres, lEtat et le marché) jouxte les organisations corporatives ou entrepreneuriales (Chambre de commerce internationale ou International Advertising Association). Le secteur privé est aussi présent à travers les entreprises qui envoient leurs observateurs. Les Nations unies les y encouragent, leur réservant un rôle de premier plan. Lobjection émise par certains gouvernements contre la présence des ONG, au nom de la défense du monopole de représentation des Etats, vise surtout celles appartenant au mouvement social.

 

Les porte-parole du secteur privé mettent laccent sur la flexibilité et sur lesprit compétitif de lentreprise. Ils insistent sur la nécessité de réduire la mission des pouvoirs publics à créer lenvironnement le plus favorable aux investissements. Cet économisme fait bon ménage avec la vision pragmatique de la communication inhérente à lIUT, organisme du système des Nations unies.

 

A cette vision techniciste soppose lagenda social élaboré par le tiers secteur au nom du développement durable : la nécessité de relier les expériences numériques à la mémoire de lappropriation sociale des technologies antérieures, la radio en particulier ; la gouvernance démocratique, soit la transparence et la participation ; lalphabétisation, léducation et la recherche ; les droits humains ; la connaissance comme patrimoine de lhumanité ; la diversité culturelle et linguistique ; labaissement des coûts de connexion, les logiciels libres ; la participation au gouvernement dInternet et à toutes les instances où se jouent la régulation internationale du cyberespace (OMC, Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) ; et la sécurité du droit des citoyens à communiquer.

 

La critique de la sécurité dans les réseaux renvoie à lautre versant de la « société de linformation » : la surveillance et les atteintes à la vie privée - non seulement dans les régimes autoritaires, mais aussi dans lensemble des pays démocratiques - depuis le renforcement des mesures antiterroristes à la suite des attentats du 11 septembre 2001. En toile de fond : les projets de croisement des banques de données pour contrôler les citoyens (Sécurité sociale, cartes de crédit, comptes bancaires, profils judiciaires, relevés des déplacements aériens, etc.).

 

A loccasion des réunions de préparation du sommet de Genève, certains gouvernements veulent perpétuer une énième version des stratégies de « modernisation ». En revanche, dautres gouvernements se saisissent de loccasion pour tenter de faire autre chose. Lincorporation dans lagenda politique du thème des technologies de linformation devient alors, pour les secteurs réformateurs, loccasion dengager un débat de fond sur la technique, la société et les libertés individuelles. Ce qui conduit à réfléchir sur lincompatibilité du modèle néolibéral avec les scénarios de construction dune société de la connaissance pour tous.

 

Les conférences régionales, quant à elles, ont vu se dessiner des alliances géopolitiques éloquentes - le Japon, aligné sur la position des Etats-Unis, face au bloc majoritaire regroupant des pays comme la Chine, lIndonésie, la Malaisie, lInde, le Pakistan et lIran, par exemple. Lors de la conférence des pays dAmérique latine ont refait surface les revendications du « droit à la communication » soutenu dans les années 1970 par le Mouvement des non-alignés en faveur du « nouvel ordre mondial de linformation et de la communication ».

 

Cette tournure géopolitique que prennent les controverses, et plus largement le rapport entre culture(s) et nouvel ordre mondial, risque de saccentuer avec le retour des Etats-Unis au sein de lUnesco, institution quils avaient quittée en 1985 après avoir accusé les pays du Sud de politiser ces thèmes. Plus que jamais, Washington plaide pour que lespace du débat se réduise aux enceintes taillées selon le modèle des organisations à vocation technique et commerciale. Position explicitée lors du bras de fer avec lUnion européenne, en 1993, à loccasion des négociations sur l« exception culturelle » dans le cadre du GATT, ancêtre de lOMC

Pour le droit à la communication

 

Sappuyant sur la logistique des nouveaux réseaux militants et sur les forums sociaux, le mouvement altermondialiste a incorporé la controverse sur lévolution techno-informationnelle au débat sur les disparités socio-économiques. La problématique de la communication, traitée de façon dispersée lors des deux premières éditions (2001 et 2002) du Forum social mondial de Porto Alegre, y a acquis plein droit de cité en février 2003. Sur proposition du Monde diplomatique fut également lancé lObservatoire international des médias (Media Watch Global) (4). Son objectif : entreprendre « tout type dactions visant à promouvoir et garantir le droit à linformation des citoyens dans tous les pays ». Cet organisme est destiné à se démultiplier à travers des observatoires nationaux composés, à parts égales, de journalistes, de chercheurs universitaires et dusagers.

 

Longtemps, lapproche instrumentale des médias, des réseaux (et de la culture) a empêché la définition dune doctrine sur leur rôle dans le changement social (5). Qui plus est dans leur dimension internationale, que beaucoup nont découverte quavec lirruption dInternet ! Encore faut-il préciser que la reconnaissance récente du caractère central de la problématique des modèles dimplantation sociale des technologies de la communication est loin dêtre le fait de toutes les composantes du mouvement social mondial, même si chacun manie avec dextérité les nouveaux outils numériques.

 

Cette avancée doit beaucoup au travail pionnier engagé depuis des années dans le secteur par la World Association for Christian Communication (WARC), de Londres, lAgencia latinoamericana de informacion (ALAI), de Quito, lAssociation mondiale des radios communautaires (Amrac), de Montréal, et Inter Press Service, une agence de presse qui, depuis les années 1970, relie les pays du Sud dans un souci de décolonisation de linformation. Ces agents sociaux ont accepté linvitation de lUnesco et de lIUT à participer aux prepcoms du sommet mondial tout en organisant leurs propres séminaires et en lançant, lors du Forum social mondial 2002, une « campagne pour le droit à la communication dans la société de linformation » (CRIS, selon le sigle anglais).

 

Ce combat pour le droit à linformation est une des expressions de la nouvelle philosophie de laction collective sur la gestion des biens communs de lhumanité (la culture, léducation, la santé, lenvironnement, leau). Le service public et lexception culturelle doivent prévaloir sur les mécanismes du marché. Principes auxquels lOMC, favorable à la libéralisation des services, tente de déroger. Et quil faudra défendre à Genève, en décembre prochain.

Armand Mattelart.

 

 

(1) Lire Armand Mattelart, « Archéologie de la "société de linformation" », et « Linformation contre lEtat », Le Monde diplomatique, respectivement août 2000 et mars 2001.

 

(2) Dan Schiller, « Internet happé par les spéculateurs », Le Monde diplomatique, février 2000.

 

(3) Jorge Luis Borges, « Le Congrès », dans Le Livre des sables, Gallimard, coll. « Folio », Paris, 1978.

 

(4) Cf. Le Monde diplomatique, janvier 2003 et mars 2003.

 

(5) Armand et Michèle Mattelart, Penser les médias, La Découverte, Paris, 1986, 1991 ; Armand Mattelart, La Communication-monde, ibid., 1999 (en poche).

 

 

LE MONDE DIPLOMATIQUE | août 2003 | Page 10

http://www.monde-diplomatique.fr/2003/08/MATTELART/10308

 

TOUS DROITS RÉSERVÉS © 2005 Le Monde diplomatique.

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Ouin, ouin,

 

août 2003 -> juillet 2005 : pire !

 

Le Web est un nouvel indicateur moderne caricatural d'une aggravation des injustices Nord-Sud, à la mesure du pillage et du réchauffement de la planète par les "privilégiés" habituels.

 

Autre indicateur moderne conjoncturel : la soi-disant "remise de la dette" au pays du Sud, notamment Africains, ne concerne que les pays bons élèves obéissants du Fonds Mondial (en clair : qui se laissent piller leurs richesses par les "investisseurs" c.à d. le business fou).

 

Bonjour l' "image" de générosité pour l'opinion publique manipulée !

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Salut,

 

Tesgaz, pas la peine !

 

Dans la mesure où cette page reste publiée sur le Net et où "horus agressor" (ouaah, quel pseudo !) a cité clairement la source (apparemment il en connait un rayon :-( ).

 

Je vois mal le Directeur de la publication LE MONDE DIPLOMATIQUE "attaquer en justice" Zebulon parce qu'un "enregistré" a cité un article de 2003.

 

Et je me vois très bien "avocat" avec ma copine vraie avocate (of course pour "respecter" la forme, c'est-à-dire que je ne suis qu'un encombrant "témoin volontaire" hé, hé ...), défendre le "prévenu" Yann dans une audience publique très médiatisée !

 

Franche rigolade en perspective, et efficacité garantie :P

 

La routine quoi, c'est-à-dire aussi : évaluer les risques ...

Modifié par O.Fournier
Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Bonjour,

 

 

http://www.monde-diplomatique.fr/2003/08/MATTELART/10308

 

TOUS DROITS RÉSERVÉS © 2005 Le Monde diplomatique.

533213[/snapback]

 

bonjours a toi grand HORUS

 

Je n'ais lu que les 10 premières lignes

après j'ais totalement décroché.

Si tu veux défendres des idées (a premiere vue intéressantes)

Résume et clarifie

Evites les longues longueurs :-(

 

 

en fait c'est po vrai

J'ais tout lu! :P

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Rejoindre la conversation

Vous publiez en tant qu’invité. Si vous avez un compte, connectez-vous maintenant pour publier avec votre compte.
Remarque : votre message nécessitera l’approbation d’un modérateur avant de pouvoir être visible.

Invité
Répondre à ce sujet…

×   Collé en tant que texte enrichi.   Coller en tant que texte brut à la place

  Seulement 75 émoticônes maximum sont autorisées.

×   Votre lien a été automatiquement intégré.   Afficher plutôt comme un lien

×   Votre contenu précédent a été rétabli.   Vider l’éditeur

×   Vous ne pouvez pas directement coller des images. Envoyez-les depuis votre ordinateur ou insérez-les depuis une URL.

  • En ligne récemment   0 membre est en ligne

    • Aucun utilisateur enregistré regarde cette page.
×
×
  • Créer...