Mélanome
Généralités
1. L'épidémiologie
Actuellement en Europe l'incidence du mélanome est de l'ordre de 100/100 000, ce qui revient en France à environ 6000 nouveaux cas par an. Le mélanome reste un cancer rare (1% des tumeurs malignes), mais en constante augmentation.
Les principaux facteurs de risque sont : l'exposition intermittente et exagérée au soleil et aux rayons UV de type B. Les brûlures solaires de l'enfance sont un facteur de risque. Les sujets à peu claire, blonds ou roux, ainsi que les sujets aux yeux bleus sont les plus à risque. Il existe des prédispositions génétiques (cas familiaux, mutation des gènes CDKN 2A et CDK4). L'antécédent personnel de mélanome est un facteur de risque, en particulier dans les deux ans qui suivent le premier diagnostic.
Un mélanome peut venir compliquer les maladies génétiques que sont le syndrome des naevi dysplasiques ou xeroderma pigmentosum.
Diagnostiqué à un stade localisé le mélanome malin est souvent curable par l 'exérèse chirurgicale, d'où l'intérêt de son diagnostic précoce.
2. l'anatomopathologie
On distingue deux phases d'extension du mélanome :
- une phase de prolifération horizontale, radiale dans l'épiderme
- une phase de prolifération verticale, infiltrative vers le derme, qui entraîne le risque.
Dans les deux phases, des atypies architecturales et cytologiques signent une néoplasie. L'immunohistochimie peut aider dans des cas de lésion peu différenciée (anti S100 sensible mais peu spécifique, anti MART1 et anti gp100 ou HMB 45, peu sensible mais assez spécifique).
On distingue 4 types histologiques de mélanomes cutanés :
1/ Le mélanome d'extension superficielle (SSM, superficially spreading melanoma), est le type histologique le plus fréquent (environ 65% des cas). Il se développe souvent dans un naevus connu depuis longtemps. Ce qui doit attirer l'attention de l'observateur est le fait qu'un naevus change de couleur (polychromie), s'étend par des bords irréguliers, perd la striation fine habituelle de la peau. On retrouve l'ABCD de la clinique du mélanome (asymétrie, bords irréguliers, couleur modifiée ou inhomogène, diamètre augmenté) ;
2/ Le mélanome nodulaire (environ 20% des cas) est une forme agressive: la phase d'extension horizontale est absente, alors que l'extension verticale est déjà avancée;
3/ Le mélanome sur une mélanose de Dubreuilh (environ 7% des cas). La mélanose de Dubreuilh est une dermatose précancéreuse des sujets âgés, qui touche avant tout le visage;
4/ Le mélanome lentigineux des extrémités (environ 5% des cas) se développe sans relief sur les paumes, les plantes et dans les lits unguéaux (peau glabre), chez le sujet âgé. Là encore, l'extension en profondeur prédomine.
Il en existe d'autres (à cellules fusiformes, dermoplastique, "à déviation minime" c'est à dire simulant un naevus).
Le mode de dissémination du mélanome, d'abord régional vers les lymphatiques, est particulier par les métastases sous cutanées, dites " en transit " qui s'implantent entre la tumeur primitive et les premiers ganglions de drainage. Au delà, les poumons, le foie, le cerveau et les os sont des sièges fréquents de localisations secondaires.
Le compte rendu-d'anatomopathologie doit comporter : le siège, le mode de prélèvement, le caractère primitif ou non du mélanome, la taille, la composante ulcérée (chiffrée), le type histologique, la phase de croissance, le niveau de Clark, l'épaisseur maximale, l'invasion vasculaire, les mitoses, la régression, la qualité des marges d'exérèse, la notion de lésion préexistante, le neurotropisme et l'invasion ganglionnaire.
3. La classification
Les classifications sont toutes histopathologiques, fondées sur des différences de pronostic.
Indice de Breslow et T
grade 1 : < 0.75 mm pT1
grade 2 : de 0.76 à 1.49 mm pT2
grade 3 : de 1.50 à 2.49 mm pT3
grade 4 : de 2.50 à 3.99 mm pT3
grade 5 : > 4 mm pT4
Niveaux de Clark
Niveau I : mélanome intradermique
Niveau II : invasion discontinue du derme papillaire
Niveau III : invasion de la totalité du derme papillaire, à l'exclusion du derme réticulaire
Niveau IV : extension au derme réticulaire
Niveau V : extension à l'hypoderme
4. Stades et pronostic
Stade (AJCC révisée 2002) Pronostic à 5 ans (survie) TNM Epaisseur
(mm)
ulcération Nombre GG envahis Type d'envahissement GG M
I A 85 % < ou = 1,0 non 0 0
I B T1 b < ou = 1,0 Oui ou Clark IV ou V 0 0
T2 a 1,01-2 Non 0 0
II A 70 % T2 b 1,01-2 Oui 0 0
T3 a 2,01-4 Non 0 0
II B 50%
(75 % de rechutes)
T3 b 2,01-4 Oui 0 0
T4 a > 4 Non 0 0
II C >4 Oui 0 0
III A
< 40%
N1 a
quelconque Non 1 microscopique 0
N2 a quelconque Non 2 ou 3 microscopique 0
III B N1 a quelconque Oui 1 microscopique 0
N2 a quelconque Oui 2 ou 3 microscopique 0
N1 b quelconque Non 1 macroscopique 0
N2 b quelconque Non 2 ou 3 macroscopique 0
III C N1 B quelconque Oui 1 macroscopique 0
N2 b quelconque Oui 2 ou 3 macroscopique 0
N3 quelconque Oui ou non 4 ou plus micro ou macro 0
IV M1a quelconque Oui ou non quelconque quelconque Peau, sous-cutanées, GG. LDH Normales
M1b quelconque Oui ou non quelconque quelconque Poumons. LDH normales
M1c quelconque Oui ou non quelconque quelconque Autres sites viscéraux ou LDH élevées
Les mélanomes non cutanés, ceux à extension ganglionnaire multiple (>10) ou en rupture capsulaire sont à très haut risque, mais n'apparaissent pas dans les classifications.
85 % des mélanomes sont diagnostiqués à des stades localisés, 10% comportent une atteinte ganglionnaire et 5% sont métastatiques d'emblée.
- Le pronostic du mélanome malin dépend de son degré d'invasion en profondeur et de l'envahissement ganglionnaire.
- Les autres facteurs pronostiques sont, par ordre d'importance décroissante :
- Le site anatomique : l'atteinte des membres est de meilleur pronostic que celle de la tête ou du tronc
- Le sexe : le mélanome est de moins bon pronostic chez l'homme que chez la femme
- Le nombre de ganglions trouvés au curage le cas échéant.
Mélanome malin
METHODES THERAPEUTIQUES
Le traitement des personnes atteintes doit se faire au mieux dans une équipe spécialisée et toujours en concertation multidisciplinaire.
Les mélanomes non cutanés seront adressés à des centres spécialisés
La chirurgie
exérèse de la tumeur
Les marges de sécurité sont fonctions du degré d'infiltration en mm de la tumeur (Indice de Breslow). Avant de poser la question d'un traitement adjuvant, un contrôle de la qualité de l'exérèse porte sur les marges de sécurité. Celles-ci doivent être :
Toute exérèse qui ne satisfait pas à ces critères doit être reprise. En cas d'hyperplasie atypique sur les marges, la zone de sécurité doit être élargie.
Curage ganglionnaire
L'intérêt du curage ganglionnaire est controversé, mais il est réalisé devant une atteinte clinique
En cas de rechute ganglionnaire isolée, un curage doit être fait à visée diagnostique et thérapeutique. Il a démontré son efficacité en terme de survie à 5 et 10 ans.
En revanche l'intérêt du ganglion sentinelle est aujourd'hui établi. Il doit être traité en immunohistochimie (anti S100, anti MART 1, HMB 45) pour éviter les faux négatifs. Il doit être pratiqué dès que l'invasion en profondeur est > à 1mm, et si elle est < 1mm lorsqu'il est ulcéré ou en cas de niveau de Clark IV ou V. La définition de l'ulcération est une notion anatomopathologique et non pas clinique.
2. L'immunothérapie
Les immunothérapies (interféron alpha ou interleukine) ont prouvé leur efficacité. Elles ont des effets secondaires nombreux qui dépendent de leur mode d'administration et de leur posologie.
Les vaccinothérapies sont à l'étude. Les haplotypes HLA A2 et HLA C3 semblent être de meilleur pronostic.
3. La chimiothérapie
Elle est globalement peu active dans le mélanome. Les molécules reconnues sont la dacarbazine, le cisplatine, la fotémustine, les taxanes et le témozolomide.
4. Autres
La radiothérapie garde quelques indications. Il existe aussi des indications de perfusions sélectives des membres (TNF, Melphalan , témozolomide)
STRATEGIE THERAPEUTIQUE
tout stade localisé
exérèse a visée diagnostic puis puis reprise pour exérèse large en fonction de l'infiltration
ganglion sentinelle en fonction du stade
curage ganglionnaire si atteinte clinique
Stade IA inflitration < 1 mm, pas d'ulcération, Clark I à III, derme réticulaire sain
Il n'est pas utile de proposer une analyse du ganglion sentinelle à ces malades : l'atteinte en est rare (2%) sauf en cas d'atteint . Ils peuvent-être soit surveillés soit proposés à l'inclusion dans des études en cours (vaccinothérapie, antigénothérapie).
Stade IA inflitration < 1 mm, ulcération ou Clark IV ou V ( atteinte derme réticulaire )
ganglion sentinelle
Pas d'indication d'un traitement adjuvant si ganglion sentinnel sain.
3. Stade IIA réséqué (infiltration < 2mm ulcérée ou < 4 mm non ulcérée)
Le risque de rechute est entre 15 et 50 % à 5 ans. Les malades seront au mieux inclus dans des études en cours.
A défaut, un schéma d'interféron faible dose peut leur être proposé, .
2. Stades III et IIB réséqués
Le risque de rechute est élevé, entre 50 et 80% à 5 ans.
Recommandations : Schéma d'interféron 2b haute dose "HD" (type Kirkwood)
L'interféron HD est à ce jour le seul traitement reconnu en terme de survie globale. Ses principales toxicités sont générales, sanguine, hépatique, neuropsychiques. On doit compter avec 9% d'évènements indésirables graves et 48% d'adaptation de dose ou d'arrêt de traitement. Néanmoins des études de qualité de vie ou des études coût bénéfice plaident en faveur du traitement.
Inclusion dans une étude en cours.
1. Stade IV
Autant que possible il est recommandé d'adresser le malade en centre spécialisé pour qu'il bénéficie d'une étude en cours.
Hors protocole, le malade peut être pris en charge en immunothérapie ou en chimiothérapie, ou en biochimiothérapie avec des réponses objectives de l'ordre de 20 % et une durée de réponse de 3 à 6 mois. L'association du déticène à l'IFN ou l'IL a montré dans un essai de phase III une amélioration du temps de survie sans progression .
La radiothérapie ganglionnaire peut être proposée en cas de rupture capsulaire, d'atteinte > 4 ganglions, ou de ganglions dont la taille est > 3 cm, enfin en cas de rechute post-curage.
Les localisations encéphaliques peuvent être traitées par le témozolomide oral (200 mg /m²/j x 5 jours, po. J1 = J28) en alternative aux chimiothérapies IV. La stéréotaxie ou la chirurgie des lésions suivie de RT externe doit être discutée chaque fois que possible.
La TEP doit être considérée dans le bilan d'extension.
SURVEILLANCE
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